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7 janvier 2012 6 07 /01 /janvier /2012 16:42

Contrat-MGM-exemple-de-block-booking.jpgPour ceux qui s'inquiètent du sort de la petite exploitation et de la diversité du cinéma en raison de l'arrivée du numérique, je me permet d'apporter quelques précisions qui démontrent qu'il n'y a pas grand chose de nouveau qui se profile à l'horizon. J'ai commencé à programmer bénévolement uN cinéma dans le début des années soixante-dix dans le nord de la France. En ce temps là, il y avait une bonne douzaine de distributeurs qui tenaient une agence à Lille : Gaumont, Artistes associés, Fox, CIC (MGM, Parmount, Universal), Paris Nord distribution (AMLF, Walt Disney, Warner, Columbia, et d'autres), Dentener, Delemar, etc. Il existait alors deux pratiques qui n'étaient pas franchement des cadeaux pour les petits exploitants.

 

Contrat de la MGM, exemple de block booking

  •  

1. Le block booking

 

Pour obtenir un film porteur, il fallait accepter d'autres films plus ou moins intéressants dans le même contrat. Par exemple, chez Dentener, pour obtenir "Le gendarme et les gendarmettes", il fallait accepter "La prof du bahut", "La folle du régiment" et autres inepties. Chez Paris Nord distribution on ne s'en sortait pas avec moins de dix films pour obtenir le Disney de Noël, qu'on nous donnait à Pâques, ou le dernier succès de Columbia, AMLF ou Warner.

 

  1. Les priorités d'accès

 

Les films étaient projetés en priorité à Lille, pis à Armentières et Hazebrouck avant d'arriver à Merville. Si cette hiérarchie pouvait être compréhensible lorsqu'un distributeur confiait une copie au cinéma qui faisait le plus d'entrées, ça l'était beaucoup moins lorsque celle-ci restait sur les étagères du stock parce que l'exploitant prioritaire ne l'avait pas encore passée. Il m'a fallu ainsi attendre un an pour programmer une palme d'or du festival de Cannes chez Gaumont. Lors de la sortie de ROCKY, le distributeur me l'avait confié avant le passage à Hazebrouck. Le film de Sylvester Stallone était considéré au départ comme une œuvre mineure et Sylvère Derquenne, l'exploitant d'Hazebrouck n'était pas pressé de le programmer. Derquenne, pas content, téléphona aux Artistes Associés : "Qu'est-ce que c'est ce film ? Pourquoi Merville le passe avant moi ?" Et en plus, le film a eu un succès inattendu. Quelques jours plus tard, je rencontrai Sylvère Derquenne et je lui parlai du problème des priorités. Il me répondit que ce n'était pas gênant que je passe un film avant lui, que c'était une volonté des distributeurs. Il ignorait que j'étais au courant de son appel aux Artistes. Il y avait même dans le sud du département, un exploitant qui acheminait chaque semaine les copies d'un collègue qui exigeait en douce la priorité sur lui. Les distributeurs avaient le dos large.                         

Fiche-distributeur-du-Familia-de-Merville.jpg

 

Fiche d'un distributeur qui indique,

 entouré en rouge, les villes

 prioritaires sur Merville. 

 

  

Ces exemples montrent bien que les problèmes d'accès aux films ne datent pas d'hier et ça ne peut pas être pire que ça n'a été.

En ce qui concerne la diversité, je peux affirmer que la France est actuellement le pays au monde où ce critère est le mieux appliqué (une fois n'est pas coutume). Un réseau dense de cinémas comprenant de nombreuses petites exploitations, un encouragement constant à la programmation Art et Essai, les aides aux petites salles sont les clés de ce succès. L'Etat qui avait permis au début des années quatre-vingt, grâce à l'aide sélective, aux petites salles de se rénover et de s'équiper, continue son soutien pour le financement du numérique, secondé cette fois-ci par les régions. Au niveau de la programmation, l'Association Française des Cinémas Art et Essai, reconnue comme partenaire privilégiée du Centre National du Cinéma et secondée par des associations régionales, travaille efficacement à la diversité des œuvres cinématographiques.

 

Malgré cela il faut reconnaître que les petites exploitations rencontrent de nombreuses difficultés. Elles sont à l'exploitation cinématographique ce que les mouettes sont aux bateaux de pêcheurs. Elles doivent se contenter de ce que leur laissent les gros. Elle sont aussi souvent soumises par certains distributeurs, qui bafouent sans scrupules la règle de la location au pourcentage, à payer des minimums garantis en plus du pourcentage. Contrairement à ce que nous pourrions penser, ce ne sont pas les grandes maisons de distributions qui pratiquent ce racket, mais des petits distributeurs qui disent avoir du mal à supporter les frais de sorties de leurs copies qu'ils préfèrent laisser sur leurs étagères. Il refusent même en se couvrant avec le minimum garanti, d'accorder à l'exploitant qui a aussi des frais "d'entrée", une baisse du pourcentage. Comme quoi, ce sont les miséreux qui exploitent plus les plus misérables qu'eux. Pendant ce temps, la grosse exploitation a réussi le tour de force de faire payer aux distributeurs, les projections des bandes annonces que les petits ont du mal à obtenir en les passant gratuitement. Penser à se faire des bénéfices en diffusant la publicité des films qu'ils programment et qui leur rapporteront, il fallait le faire.

 

Une autre difficulté de la petite exploitation est due à son hétérogénéité. Il y a des privés, des associations non subventionnées, des municipalités, des associations subventionnées. Les enjeux ne sont pas les mêmes pour les uns et les autres. Les privés doivent supporter les charges d'investissements et les intérêts d'emprunts. Leur appliquer des minimums garantis c'est les fragiliser encore plus. Ces cinémas peuvent difficilement se permettre de jouer la carte de la diversité. Les municipalités et les associations qui obtiennent des subventions de cent mille ou deux cent mille euros, voire plus, ne se formalisent pas avec ces "détails". La petite exploitation comprend des salles qui font parfois moins de dix mille entrées par an et d'autres qui en font trois cent milles. Ces petits cinémas ne peuvent pas compter sur les instances professionnelles. Les syndicats, pour la plupart régionaux, existeraient difficilement sans l'apport des cotisations de la grande exploitation. Certains gros exploitants ont déjà formé leurs propres syndicats et récupèrent ainsi une part de leurs cotisations. Ils concèdent souvent quelques salles au syndicat régional pour y rester implantés. Quant à la fédération, il suffit de voir avec quelle facilité elle a accepté la modification de la chronologie des médias qui est passée de six à quatre mois pour se rendre compte que la petite exploitation n'entre pas dans ses priorités.

 Mais alors le numérique dans tout ça ?

 Il apportera certainement des avantages, mais aussi des inconvénients.

 Projecteur-numerique-recemment-installe-dans-une-cabine.jpg

Projecteur numérique récemment installé dans une cabine de projection.

 

 

Au niveau des avantages, le mode de programmation sera différent. L'exploitant n'aura plus à rendre la copie dans la nuit du mardi au mercredi. Il pourra conserver le film dans sa librairie et le programmer sur une durée plus longue. Les films seront donc exposés plus longtemps. Il suffira de demander une clé au distributeur qui ne rechignera jamais à ce qu'on projette son film. Il sera possible de programmer le même film en français ou en version originale en alternance.  Il en sera de même pour la 3D. Les cinémas auront accès à d'autres programmes : opéras, évènements sportifs, concerts, etc. Il sera possible également de prévoir en première partie des actualités locales en lien avec les mairies et les associations. Certains pourront peut-être réaliser des productions locales qui seront projetées dans le cinéma de leur ville. Et pourquoi pas aussi les collectionneurs pour les œuvres dont les droits sont libres ? De nouvelles dimensions culturelles pourront aussi se développer. Je pense par exemple à une certaine "Maison du cinéma" qui est en gestation depuis plusieurs années à Roubaix. 

Cabine-du-cinema-de-Bailleu-en-cours-de-renovati-copie-1.jpg

La cabine de projection du cinéma de Bailleul

en cours de rénovation en prévision de l'arrivée du numérique.

Le projecteur 35 mm, Victoria 8, restera a sa place

pour pouvoir assurer les projections des films non édités en numérique.

 

 

Pour ce qui est des inconvénients, le plus probant c'est que le numérique, c'est de l'informatique. Et l'informatique... c'est l'informatique. L'exploitant aura des frais de maintenance, comme cela s'est produit pour les caisses. Avec un 35 mm, un bon projectionniste peut se débrouiller pour résoudre la majorité des pannes. Avec le numérique, ou il devra passer par le service de maintenance s'il s'agit d'une panne de logiciel, ou il devra rembourser si c'est un problème matériel. Comme chacun sait, l'informatique ça nous importune toujours quand il ne faut pas et ce sera à une séance de " intouchables" et non de "Brueghel" que se produira la panne. Ceux qui pensent qu'il y aura moins de travail du fait qu'il n'y aura plus de copies à assembler se leurrent complètement. Les projecteurs numériques nécessitent plus souvent des séances de réglages. Ils nous donneront la joie des bugs et des conversations téléphoniques qui n'en finiront pas avec les services de maintenance. Quant à ceux qui chargeront le film pendant le déjeuner se se disant que ce sera prêt pour la séance de 14h, je leur promets de sérieux déboires.

 Et le spectateur ? En principe il ne verra pas la différence, sauf que les rayures seront remplacées par des pixellisations comme le constatent régulièrement ceux qui ont la TNT.

 

Un Charlin, autrefois utilisé dans la cabine

 du cinéma de Thumeries.

Projecteur-Charlin-au-cinema-de-Thumeries-jpg Le cinéma numérique apportera dans l'exploitation ce que l'ordinateur a apporté dans notre vie quotidienne, pour le pire et pour le meilleur. On peut apprécier ou pas, mais de toute façon, la machine numérique est lancée de manière irréversible, et les cinémas qui ne seront pas équipés pour janvier 2013 n'auront plus qu'à demander des films à prêter aux collectionneurs.

 La diversité et le maintien de la petite exploitation est avant tout une question de volonté politique. Si les pouvoirs publics restent déterminés à les soutenir, si le Centre National du Cinéma continue à exercer sa mission dans les mêmes conditions, si les associations qui soutiennent la diversité des programmes cinématographiques sont toujours reconnues, le numérique n'y changera rien. D'ailleurs, il y a une règle bien établie en sciences humaines : Ce ne sont pas les moyens qui priment, mais les objectifs et les finalités.

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23 septembre 2011 5 23 /09 /septembre /2011 14:09

 La-guerre-des-boutons-2011.jpg

 

"Tu as vu "La guerre des boutons" ?

- Le film de Baratier avec Chabat ?

- Non, celui de Baratier, c'est avec Jugnot.

- Ah bon, Chabat jouait dans celui de Yves Robert ?

- Non ! C'est encore un autre. Yves Robert, c'est celui où le gamin disait Si j'aurai su, j'aurai pas venu.

- Ben dans l'autre aussi, il le dit.

- Mais non ! Dans l'autre, ils ont pas eu le droit de le mettre.

- Pourquoi ça ?

- C'était une trouvaille du scénariste de l'ancien et les ayants-droits ont refusé que ce soit repris.

- Donc, ils ne l'ont pas mis dans le nouveau ?

- Ni dans l'autre non plus d'ailleuLa-nouvelle-guerre-des-boutons-copie-1.jpgrs.

- Quel autre ?

- Ben le deuxième !

- Le deuxième, c'est le nouveau.

- Oui, mais il y a deux nouveaux.

- J'y comprend rien !

- Aaahhhh ! T'est bouché ou quoi ? C'est pourtant simple. Il y a "La guerre des boutons" qui est sorti le 14 septembre ; "La nouvelle guerre des boutons" qui est sorti le 21 ; et il y a l'ancienne guerre des boutons" qui sortira le 12 octobre.

- S'il n'est pas encore sorti, pourquoi on l'appelle "l'ancienne" ?

- Aaarrrrhhh ! C'est l'ancienne qui RESSORTIRA en novembre et qui a été réalisé par Yves Robert en 1961, inochint !

 

 

LA GUERRE DES BOUTONS, en savoir plus

 -La version d'Yves Robert a réalisé 9,95 millions d'entrées en 1962, le plaçant dans les 15 premiers films français.

- Le tournage de "La nouvelle guerre des boutons" a été terminé fin août. Le film est arrivé dans les salles un mois plus tard. Un record ! Il a réalisé 1546 entrées à la séance de 14 à Paris le mercredi 21. L'autre version en a réalisé 1901 huit jours plus tôt à la même séance.

- Le tournage de "La guerre des boutons" sorti le 14 septembre, était terminé le 8 juillet. Le film a réalisé 570 969 entrées au cours de sa première semaine d'exploitation, laissant présagé plus de 2 millions d'entrées pour le film, sous réserve que "La nouvelle guerre des boutons" ne lui fasse pas trop ombrage.

La-guerre-des-boutons-1961.jpg

- Le scénariste et dialoguiste de la première version à qui l'on doit Si j'aurai su, j'aurai pas venu était François Boyer qui avait également écrit le scénario de "Jeux interdits". Yves Robert eut beaucoup de mal à trouver un distributeur. Ce fut la Warner qui accepta de le distribuer pendant l'été, qui était alors la période la moins fréquentée par les spectateurs. Le succès international du film fut une énorme surprise pour toute la profession cinématographique.

- A signaler également, un remake américain du film d'Yves Robert réalisé  par John Roberts en 1994 : "La guerre des boutons, ça recommence".

 

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24 avril 2011 7 24 /04 /avril /2011 09:15

Relief--6--amelioree.jpgEn 1949, apparut la télévision. Les grands producteurs d'Hollywood s'imaginaient qu'il s'agissait d'un nouveau gadget et que la mode passerait. Comme nous le savons, ils se sont trompés et le déclin de la fréquentation des salles parut inéluctable. Les producteurs d'Hollywood ont alors décidé de réagir en privilégiant les superproductions présentées sur des écrans très larges : cinémascope, panoramique, cinérama...

Il s'agissait de donner aux spectateurs  l'illusion de la réalité en reproduisant les images et les sons de façon  qu'ils reçoivent la même impression que s'ils étaient face à des scènes réelles, à l'exception évidemment lorsque le réalisateur veut créer de l'irréel.

 

Double caméra de prises de vues en relief

 

 

Dans un cinéma, le spectateur voit une succession d'images qui défilent à une vitesse telle, que cela lui donne l'impression du mouvement. La perspective est déterminée par l'emplacement de la caméra au moment de la prise de vue. Pour permettre aux spectateurs d'être au plus près de la réalité, on a cherché très tôt à créer des images en relief.

Pour bien comprendre le processus du cinéma en relief, il importe de savoir comment fonctionnent les yeux. Pour que nous puissions avoir une vue qui distingue les reliefs, il nous faut deux yeux qui fonctionnent simultanément. Chaque œil perçoit l'environnement différemment. Les axes des deux yeux convergent, transmettent au cerveau deux images pratiquement identiques. Ces images se modifient et convergent à nouveau au cours de nos explorations visuelles. Cette succession d'images convergentes nous permet de percevoir les reliefs et les profondeurs de champs. Pour obtenir ce même effet dans un film en relief, il faut donner à chaque œil une succession d'images différentes. Ainsi, les borgnes ne peuvent pas avoir accès aux films en relief.

 

Rappelons que pour apprécier un film dans de bonnes conditions, le spectateur ne doit être ni trop près, ni trop loin de l'écran. Les cinémas actuels sont conçus dans le respect des normes indiquées. La longueur de la salle ne dois pas excéder cinq fois la base de l'écran. Le premier rang doit se situer au maximum à une longueur égale à cette base. Ainsi pour un écran de 8 m de base, le premier rang doit être éloigné de huit mètres et le dernier à moins de quarante mètres. L'implantation des rangées sur les côtés ne doit pas excéder un écart de 30°. Ces conditions sont d'autant plus importantes pour les projections en relief. Il faut noter également que le point central de la vision est extrêmement réduit, ce qui implique que nos yeux sont en permanence en mouvement. Ecartés d'un peu plus de 6 mm, ils perçoivent chacun une image imperceptiblement différente. Le cerveau les fusionnent pour n'en former qu'une seule. Les yeux perçoivent donc notre monde en trois dimensions. Il nous est facile d'évaluer la largeur et la hauteur de ce que nous voyons, mais qu'en est-il de la profondeur ?

 RELIEF--5--pour-blog.jpg

Plus les objets sont loin, plus ils paraissent petits. Par l'habitude, nous réussissons à rétablir leurs valeurs réelles. Mais, lorsqu'il s'agit d'éléments inconnus nous pouvons être mis facilement en défaut et produire des erreurs d'interprétation. La sensation du relief ne peut être perçue que si nos deux yeux fonctionnent normalement ou avec des lunettes correctives. Pour obtenir les impressions de relief au cinéma il faut fournir aux spectateur deux suites de photographies animées prises avec un écart correspondant à celui des yeux. Mais pour que ça marche, il faut que chaque œil perçoive séparément ces images. L'œil de gauche recevra les images de la caméra de gauche et l'œil droit, celles de la caméra de droite.

 

 

 Relief--2--image-amelioree.jpg

 Projection des rushes par l'équipe de réalisation d'un film en relief.

 

Lors des premières projections d'images en relief en 1858,  avec des images fixes évidemment, deux projecteurs fonctionnaient simultanément. Les spectateurs étaient équipés d'une paire de lunette teintées en rouge pour l'œil gauche et en bleu-vert pour le droit. Il en était de même pour les  filtres installés sur les projecteurs. Ainsi le spectateur ne pouvait voir avec l'œil gauche que les images projetées en rouge et les autres avec l'œil droit.

En 1891, Ducas du Hauron proposa des anaglyphes où les couleurs étaient inversées, bleu-vert pour le côté gauche et rouge pour le droit. La projection se faisait en lumière blanche. Ces systèmes ne permettaient que la projection de vues en noir et blanc et se sont révélés décevants. Le procédé Natural Vision, qui utilisait des filtres polarisants, apporta de nettes améliorations.

RELIEF--3-.jpg

Schéma du procédé Natural Vision pour les films en relief

 

Les prises de vues étaient faites avec une caméra à deux objectifs. En projection, deux appareils synchronisés fonctionnaient simultanément. Sans lunettes, le spectateur apercevait les deux images superposée, légèrement décalées. Des lunettes polaroïdes  permettaient de voir alternativement chaque image à gauche et à droite. Elles étaient constituées d'un support de plastique recouvert de minuscules cristaux d'iodo sulfate de quinine, inventé en 1852 par Héropathe. Edwin H. Land les utilisa entre 1927 et 1934 pour mettre le processus au point en les orientant mécaniquement. Bien qu'ayant une dominante verdâtre,  on pouvait dès lors projeter des films en couleurs. Pour des raisons techniques, liées aux difficultés de polariser la lumière naturelle, la perte de luminosité pouvait s'élever à 60 %. Il fallait donc apporter sur l'écran, une lumière trois fois plus puissante à celle d'un film normal. Ce défaut était en partie compensé par la nécessité d'utiliser des écrans métallisés plus compatibles avec la polarisation. L'aluminium possédant le pouvoir de mieux réfléchir la lumière, contribua à atténuer les pertes dues au système du relief. L'augmentation de la puissance des arcs de projection faisait le reste.

 

Relief--4--amelioree.jpg

 

Cabine de projection du cinéma "Le Paris"

Les quatre projecteurs étaient synchronisés deux par deux

 

A cette époque, la lumière d'un projecteur était fournie par des arc électriques à l'aide de bâtons de charbon qui permettaient une projection continue inférieure à 30 minutes. Il fallait donc deux projecteurs par cabine pour éviter les coupures au milieu du film. Pour les films en relief, il en fallait quatre qui fonctionnaient deux par deux. Ils devaient être parfaitement synchronisés et le projectionniste devait veiller à mettre chaque partie du film du bon côté. En cas de cassure, des marques sur les copies permettaient de réajuster. Certains exploitants qui n'avaient pas les moyens ou la place d'installer deux projecteurs supplémentaires, se contentaient de fonctionner avec les deux qu'ils avaient. Il leur fallait alors arrêter à chaque bobine, comme au temps du muet, pour recharger les appareils.

 

Relief--1--amelioree.jpg

L'alignement des projecteurs devait être réglé avec soin pour que les images soient bien horizontales et pour éviter les décalages en hauteur, faute de quoi les spectateurs se seraient fatigués rapidement.

 

Le cinéma en relief ne s'est jamais implanté dans la durée en raison de la complexité qu'il imposait. Avec l'arrivée du cinéma numérique, il devient beaucoup plus simple pour un exploitant de proposer ces projections. C'est ce qui explique l'engouement actuel et le nombre régulier de films en 3 D qui sont proposés dans les salles depuis deux ans ; et en particulier depuis la sortie d'AVATAR.

 

Prises de vues pendant le tournage  de "L'homme au masque de cire" en 3D avec une caméra Natural-Vision.

 

Source : La technique cinématographique N°134.

 

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12 février 2011 6 12 /02 /février /2011 17:20

 

            En 2008, Dany Boon réalisait un film sur les ch'tis dans lequel les personnages parlaient le patois du Nord :" Bienvenue chez les ch'tis". Trois ans plus tard, il sort sur les écrans, un film qui évoque les douaniers : "Rien à déclarer". Curieusement, soixante dix ans plus tôt, un autre artiste originaire du nord réalisait deux films : "Le fraudeur" sur les douanes et "Le mystère du 421" parlé en ch'timi.

 

            Il est inutile de présenter Dany Boon et son œuvre. Les journaux en sont submergé. Je propose plutôt de nous intéresser un Léopol Simons, un ch'ti des années trente. Et si Dany Boon s'en était inspiré ?

 T-353-bienvenue-dany-boon-dans-une-salle.JPG

 

Dany Boon lors de la présentation de "Bienvenue chez les ch'tis" dans un cinéma

 (un gros exploitant forcément).

 

 

            Léopold Simons, célèbre humoriste patoisant formait un couple sur la scène avec Line Dariel. Homme de théâtre, il anima de nombreuses émissions de radio et se lança à plusieurs reprises dans la réalisation de films. Il réalisa un court métrage « Zulma en justice » (ou « Zulma au tribunal »), et deux longs « Le fraudeur » et « Le mystère du 421 ».

 

            Le fraudeur

 

T-330-Le-fraudeur-affiche.jpgPour cette œuvre consacrée à « Ceux de la douane », Simons a abandonné le patois. Rentabilité oblige, s’il voulait que son film ait une audience nationale, il fallait qu’il accepte ce compromis. Il dût aussi transiger sur le choix du titre. Initialement, il avait prévu « Ceux de la douane » mais le réalisateur n’a pas eu le choix, la censure n’appréciait pas. Laissons ici le soin au réalisateur de l’expliquer lui-même : La Censure a des raisons que la raison ne connaît pas !... Il s’agissait donc de trouver un autre nom pour « Ceux de la douane »… On a choisi alors quelqu’un qui n’en est pas loin…, et le film s’appellera désormais « le fraudeur ». Il fut produit par Bruitte et Delemar, un producteur régional. Les deux artistes régionaux s’étaient adjoints la collaboration de Ginette Leclerc. Une bonne partie du tournage eut lieu dans les paysages des Flandres, notamment autour du Mont Noir, Bailleul et Cassel. Simons réussit si bien à mettre les décors naturels de la Flandre en valeur que l’on entendait au cours des projections des remarques de ce genre : C’est vrai, il y a ça chez nous et on ne s’en doutait pas ! On y retrouve aussi des activités traditionnelles du Nord : Le tir à l’arc, les combats de coqs, les coulonneux et une chorale qui chante lors du repas des douaniers le célèbre « vivat flamand ».

 

            De nombreux rôles ont été réservés à des artistes de la région. On retrouve ainsi Cardon, un acteur comique du théâtre Sébastopol ; Daudelin de radio PTT Nord ; Palmyre Levasseur ; Danielle Lorek, une lilloise qui obtint le premier prix dans un concours de photogénie à Lille ; et bien entendu       Alphonse et Zulma, un couple de braves Flamands interprétés par Simons et Line Dariel. Leur manière d’être et leur accent du Nord apportaient à leurs personnages un réalisme total. Simons jouait le douanier, père du jeune héros du film. Comme il était réalisateur en même temps, c’est en costume de douanier qu’il dirigea le film. Après tout, on suppose qu’il n’a pas été le seul dans cette situation. Après lui, Charlie Chaplin a dû diriger la mise en scène en costume de Führer.

 

            La sortie du film eut lieu en avant-première le vendredi 19 novembre 1937 au Rexy à Lille.

 

La résurrection du « fraudeur ».

 

            On le croyait perdu. Il y avait belle lurette qu’il n’y avait plus aucune copie en circulation. Un collectionneur passionné, Daniel Najberg en découvrit une dans une brocante. Elle était en piteux état. Il la confia aux archives du film. « Le fraudeur » fut rénové et offert à nouveau au public. Le Cinéma Flandria de Bailleul le programma les 9 et 10 octobre 1999 avec la collaboration de la Maison du cinéma, de l’association « Toudis Simons » et de douaniers qui ont accepté de participer à un débat sur le thème du film. Ces deux soirées ont emporté un franc succès, la salle étant pratiquement pleine à chaque séance.

 

Le mystère du 421

 

            MM. Bruitte et Delemar avaient pour habitude de faire une partie de billard à la brasserie André. Ce jour là, ils avaient Simons pour partenaire. A un moment de la partie, un client se dirigea vers l’artiste patoisant et le félicita pour son dernier enregistrement. Ça s’est du vécu dit-il. L’un des deux producteurs demanda à Simons s’il n’aurait pas par hasard été inspiré pour un grand film régional. Quand ils avaient une idée dans la tête les deux hommes ne la lâchaient jamais. La partie de billard fut interrompue et c’est devant un bon demi que Simons leur exposa le scénario d’une pièce qui avait eu un beau succès au théâtre et à la radio. L’aventure du 421 était lancée.

 

            Une scène du film devait représenter une foule devant un kiosque de journaux. Cela représentait beaucoup de figurants que la production du film n’avait pas les moyens de payer. Simons trouva une astuce. Il se mit d’accord avec le patron d’un kiosque à journaux qui se trouvait à l’angle de la Grand’ Place et de la rue National. Il fit mettre sur le kiosque une grande pancarte sur laquelle on lisait : Edition spéciale : Encore  un exploit de la bande des As de cœur. A peine, la pancarte posée, un attroupement se forma autour du kiosque. Il s’agrandit de plus en plus. Certains badauds demandèrent à avoir cette édition qui était un document de présentation du film et que le gérant du kiosque leur remit gracieusement. Aussitôt les autres le réclamèrent. Ce mouvement attira d’autres personnes venues grossir la foule. L’opérateur juché sur le toit d’une voiture n’avait plus qu’à tourner tranquillement cette séquence pleine de vérité.

 

            Lors des scènes d’aviation tournées à Ronchin, André Duhamel qui interprétait le rôle d’un ancien pilote, et qui n’avait jamais mis les pieds dans un avion demanda à bénéficier d’un baptême de l’air. Le chef pilote Chaillou l’embarqua et se mit rapidement à faire des loopings et diverses acrobaties. A l’atterrissage, toute l’équipe du film s’attendait à voir débarquer le pauvre Duhamel en état de décomposition. En fait, il descendit de l’avion l’air complètement réjoui en demandant quand il pourrait recommencer. Le chef pilote farceur et les techniciens présents en eurent le souffle coupé.

 

            C’est à notre connaissance une des rares occasion, si non la seule dans la région, au cours de laquelle ont été tourné des scènes de nuit dans un aérodrome. Celles-ci étaient sensées se dérouler pendant la guerre. On y voyait Line Dariel ramasser à la hâte des pommes de terre ; un avion atterrir ; un pilote qui ne parvenait pas à faire démarrer son appareil ; des coups de feu. Et c’est ainsi que furent tournés les derniers mètres du film. Tous se retrouvèrent ensuite au Club House pour boire un bon grog et se réchauffer.  Ch’ti là on l’aura point volé,  dit Line Dariel. Un jour où elle se rendait à Bruxelles en compagnie de M. Bruitte pour des prises de vues, ils furent arrêtés par les douaniers. L’en d’entre eux avec son superbe accent flamand demanda : Vous n’avez rien à déclarer ? Nous n’avons rien à déclarer, répondit Monsieur Bruitte, Nous allons à Bruxelles Line Dariel et moi pour tourner le prochain film de Simon. Line Dariel… Line Dariel, murmura le douanier. Puis, il s’exclama en se souvenant du personnage de Mystere-du-421.jpgZulma : Mais vous devez avoir du genièvre à déclarer !

 

            Lors de la préparation d’une scène, on entendit soudain une forte détonation. Aussitôt, le plateau s’affola, Line Dariel tournait en rond lorsqu’on entendit un éclat de rire. C’était Simons qui, en expliquant la scène au comédien qui avait le rôle du commissaire avait appuyé sur la gâchette d’un gros révolver. Le régisseur ne l’avait pas prévenu que l’instrument était chargé à blanc. Le film qui, au départ devait s’appeler « le suicide de Zulma » a failli s’intituler le crime d’Alphonse.

 

            Il y a eu dans ce film des mystères qui n’avaient rien à voir avec le scénario. Un jour, les techniciens du plateau s’aperçurent que Simons parlait tout seul. Il dialoguait avec un certain Lebrun que personne ne voyait. De nos jours on ne s’en étonnerait pas et on penserait tout de suite au kit mains libres d’un portable. A l’époque, cela semblait surnaturel. Et Simons continuait son dialogue tout seul : Ch’est bien comme cha ? Cha ira ? Line Dariel se disait déjà qu’il avait trop travaillé et qu’il « perdot s’tiête ». En fait il n’en n’était rien. Le réalisateur communiquait avec l’ingénieur du son par l’intermédiaire d’un micro.

 

 

Extrait du livre "Les tournages de films dans le Nord et le Pas de Calais".

Auteur : Daniel Granval

Co-édition : Editions Nord Avril & Club Cinéma de Merville

 

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31 octobre 2010 7 31 /10 /octobre /2010 15:25

LC791-Lille-Rexy.jpgPour attirer les spectateurs, les exploitants n'hésitaient pas à faire des animations. Pour la présentation de « Napoléon », Sacha Guitry réussit à faire défiler dans les rues de Lille les soldats de la garnison et la musique des gardiens de la paix costumés en grognards. Vers la fin de la même année, Rellys et Maryse Martin sont venus dans la capitale flamande présenter le film   « derniers outrages » de Jean Gourguet. Ils ont repris pendant quelques instants dans le cadre du bar de l’échos, leurs personnages d’aubergistes plutôt fantaisistes.

 

Grâce aux animations, les exploitants de Lille battirent des records en février 1955 avec 49.384.405  francs de l’époque en recettes. Il faut dire que ce début d’année avait apporté les films qu’il fallait. Le Capitole programmait «les diaboliques», le Ritz,  «le pain vivant», tandis que le Caméo projetait «les pépées font la loi» et le Bellevue, «Marianne de ma jeunesse». En fin de mois, le Caméo et le Bellevue proposaient en tandem « les chiffonniers d’Emaüs ». A cette occasion il y eut une soirée de gala en présence de Robert Darène le réalisateur accompagné de Yves Deniaux et d’autres interprètes du film. Rien que la dernière semaine du mois, les salles lilloises rassemblaient   81 687 spectateurs.

 

           LC787-Lille-Metropole.jpg Dans les années soixante-dix, il y avait le Cinéac, rue Faidherbe ; le Métopole, rue des ponts de comines ; l'Omnia, rue Esquermoise, Le capitole, le Familia, le Régent, le Rexy, le Caméo, le Cinéchic, rue de Béthune, le Ritz et le Bellevue sur la grand' place, l'Arc en Ciel à Wazemmes, le Splendid à Fives.  Alors que le Cinéac, le Ritz et l'Arc en Ciel disparaissaient, le capitole fut transformé en un complexe de deux salles ; le Familia devint le Gaumont avec huit écrans, le Régent se spécialisa dans les films pornographiques avec deux salles ; Le Rexy devint l'Ariel avec six écrans, le Caméo fut baptisé Pathé avec trois salles et le Cinéchic devint un complexe de deux et s'appela le Concorde. Le Métropole qui appartenait à M. Rochon fut d'abord transformé en deux salles, puis trois, puis quatre. Les bureaux de Paris Nord Distribution, dirigé également par M. Rochon, se trouvait aux étages du Métropole. M. Diamin, qui était le représentant de cette société, disait que bientôt ils feraient un cinéma dans son placard, tant la quatrième était petite. L'Omnia ne fut pas aménagé. Dans un premier temps il programma des films de série B, puis il se spécialisa dans les films pornographiques. Pendant une vingtaine d'années, par le biais de cette programmation, l'Omnia fut le cinéma le plus rentable de Lille. Le Bellevue fut repris par le Furet du Nord pour agrandir le magasin.

 

            L'Ariel était devenu un cinéma particulièrement désagréable.LC788-Lille-Cameo.jpg Des placeuses acariâtres prenaient les billets, accompagnaient les clients jusque la porte de la salle, réclamaient un pourboire pour un service non rendu, car elles retournaient vite à la caisse pour ne pas rater le suivant. Ceux qui ne donnaient rien se faisaient engueuler. Le seul côté positif, c'est que certains s'amusaient à les provoquer. Cela donnait quelquefois l'occasion de superbes pugilats verbaux.

 

            Le Splendid alternait des projections et des concerts tout en conservant son style rétro.

 

            Dans les années quatre-vingt-dix eut lieu une nouvelle mutation avec l'arrivée des multiplexes. UGC, qui avait déjà l'Ariel et le Concorde, reprit le Pathé pour créer son Ciné Cité. Gaumont abandonna la partie. Le Capitole et le Régent étaient déjà fermé depuis plusieurs années et remplacés par des magasins. Combret avait créé les Arcades dans la rue de Béthune. Ce cinéma devint le Majestic et fut reprit par Michel Vermoesen pour une programmation Art et Essai, tout comme le Métropole.

 

 

            Après les trente-cinq heures, Madame Aubry a décidé de faire profiter de ses talents aux Lillois. Très rapidement, ceux-ci ont mesuré l’ampleur des risques. Dans le courant de l’année 2001, avant la débâcle d’avril, une rumeur circule au sujet d’un nouvel aménagement du marché de Wazemmes.

 

            Madame Aubry avait un bon ami à Paris qui possédait desLC771-Lille-Concorde.jpg salles de cinéma et distribuait des films « art et essai » : Marin Karmitz. Celui-ci avait déjà aménagé des cinémas dans des marchés couverts à Paris. « Mes deux gins » comme on dit par chez nous, décidèrent de s’entendre dans le plus grand secret. Il s’agissait de transformer le marché de Wazemmes en multiplexe. Seulement, il y avait déjà à Lille un exploitant d’Art et Essai dynamique en la personne de Michel Vermoesen, propriétaire du Métropole, rue des Ponts de Comines. Plutôt que de se mettre en concurrence avec lui, les deux compères décidèrent de l’inclure dans leur projet. Malheureusement, un journaliste de La Voix du Nord plus malicieux et perspicace que les autres avait eu vent de la rumeur. Il contacta Michel Vermoesen pour avoir des informations en prétendant être envoyé par la mairie de Lille. L’exploitant n’y voyant pas malice donna toutes les informations que le journaliste voulait avoir. Leur diffusion dans la presse eut l’effet d’une bombe. Les habitant de Wazemmes n’aiment pas que l’on prenne des décisions les concernant sans leur demander leur avis. Et surtout, ils détestent qu’on essaye de les tromper. Aussitôt, ils se sont mobilisés, se sont serrés les coudes pour lutter contre ce projet. Le maire de Lille déstabilisée par ces réactions jugea bon lors d’un conseil municipal de préciser « qu’il ne serait pas question de passer des films en noir et blanc huit heures par jour ». Ouf ! Wazemmes avait droit à la couleur… Une pétition a recueilli dix milles signatures en faveur des opposants. Lors d’une réunion houleuse début février, Danielle Poliautre représentante de la mairie était prise à partie.

 

            Monsieur Karmitz était présenté par La Voix du Nord comme l’homme qui «savait mener la fronde» et comme celui qui «sait se faire militant quand il défend une cause qu’il croyait juste». Mais les gens de Wazemmes, comme les Gaulois du village d’Astérix étaient déterminés à ne pas se laisser faire et le frondeur a été obligé d’abandonner le champ de bataille.

 

Le prochain «militant» qui voudra réaliser un projet à Wazemmes aura tout intérêt à consulter les habitants du quartier.LC487-Lille-001.jpg

 Le Gaumont et le Régent quelques heures avant leur destruction

 

 

Bibliographie

·         Daniel Granval et Olivier Joos, Les cinémas du Nord-Pas-de-Calais de 1896 à aujourd'hui, Club cinéma de Merville - 2005 (Livre dont est extrait ce texte).

·         Jean-Jacques Meusy, Cinémas de France 1894-1918, Arcadia éditions - 2009

·         Jean Vindevogel, Wazemmes de ma jeunesse, auto édition

·         Barnabé Mons, «l’art d’aller au cinéma - Le Méliès et ses spectateurs à l’heure des multiplexes ». (Mémoire de maîtrise ethnologie - juillet 1999.)

·         Barnabé Mons, «la Bienséance - Etude de publics dans deux établissements cinématographiques de la métropole lilloise : Kinépolis/Majestic ». (Mémoire DEA de sociologie - octobre 2000)

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31 octobre 2010 7 31 /10 /octobre /2010 15:23

La période d'occupation

 

            A Lille, pendant la drôle de guerre, les cinémas ont continué à fonctionner normalement. Seul le Capitole n’a pas repris après la fermeture de l’été et est resté fermé jusque décembre 1939.  La période de guerre a été la plus faste du cinéma. Malgré les contraintes du couvre-feu, les restrictions et la peur de la réquisition, les salles obscures deviennent les seuls lieux de distraction pour une population plus que déprimée. Dans les cinémas de Lille, le dimanche après-midi, c’était la cohue. Malgré la réglementation et les consignes de sécurité, les caissières continuaient à vendre des billets quand il n’y avait plus de place. Les spectateurs s’entassaient debout dans les allées et se disputaient les fauteuils dès que ceux-ci se libéraient. D’une année à l’autre, les recettes doublaient. L’acquisition d’une salle de cinéma était l’un des meilleurs investissements.

 

            Au fil des ans malgré tout, des difficultés s’accumulaient : augmentation des coûts, manque de personnels, pièces de rechange introuvables, augmentation des impôts, difficultés de transport, etc. Les économies de pellicules impliquaient pour les exploitants des difficultés à se procurer des films. Un quota maximum de deux copies par film était accordé à notre région. Les œuvres américaines ne franchissaient plus l’Atlantique. Dès juillet 1940, les Allemands avaient saisi les copies dans les entreprises de location pour éliminer les œuvres américaines ou celles qu’ils estimaient subversives. Les autres réintégrèrent les étagères des distributeurs.

 

            Pendant l'occupation, trois établissements ont été réquisitionnés par les allemands : « Cinéma des familles », « Rexy » et « Cinéac ». En février 1943, le Capitole, 21, rue de Béthune est aussi momentanément occupé par l’autorité allemande.

 

            Les Allemands avaient pour but de s’approprier notre économie, et les cinémas en faisaient partie. A Lille, le Cinéma des Familles, le Rexy et le Cinéac ont été repris par la SOGEC, une société allemande. Le second a été racheté au propriétaire qui trouva cela plus rentable que de toucher l’indemnité de réquisition. Le troisième appartenait à un juif, il fut donc purement et simplement volé.

 

            Les Allemands produisaient beaucoup de documentaires. C’est ce qui explique la suppression des doubles programmes et des courts métrages de fiction. En format réduit, ils imposèrent le 16 mm, tuant ainsi le Pathé-Baby et son 17,5.

 

            Des pressions étaient faites sur les exploitants pour qu’ils programment les productions allemandes. Pour mieux les manipuler, les autorités les invitaient régulièrement au restaurant Elie à Lille. On leur distribuait des bons d’essence et des laissez-passer. A cette occasion, le docteur Schaedenitz s’entretenait avec ceux qui ne passaient pas suffisamment de films germaniques.

 

            Des incidents étaient signalés au cinéma Familia rue de Béthune, à Lille lors des représentations du vendredi 19 mars et dimanche soir 21 mars 1943. Lors de l’apparition de Laval sur l’écran, des spectateurs ont toussoté, murmuré et sifflé. La salle fut  éclairée immédiatement et certains se sont mis à rire puis à applaudir. Dans ce genre de situation, l’exploitant était immédiatement interpellé. Le directeur du Familia expliqua ces incidents par le fait que l’assistance était très mêlée ce soir-là et comportait une majorité d’ouvriers. La salle était comble et les auteurs de ces « troubles » n’ont pu être connus. Le même dimanche, en soirée au Ciné Actualités, rue des Ponts de Comines, toujours au moment de l’apparition de Laval sur l’écran, un spectateur a crié des balcons : « Minteux ». Il n’a pu être identifié. Décidément, ce dimanche 21 mars devait être un jour de pleine lune, car le même soir au Cinéac, rue Faidherbe, un spectateur a crié «à bas Laval». Il a été mis à la porte immédiatement par la direction de la salle qui a omis de relever son identité. Les exploitants avaient de bonnes raisons de craindre les incidents dans leurs salles, mais ils n’étaient pas pour autant des délateurs. Le 24 mars 1943, dans la soirée, lors de la projection des actualités au Cinéchic, un coup de sifflet, ainsi que maints toussotements saluèrent la péroraison de Pierre Laval. L’auteur du coup de sifflet se trouvait au balcon mais il n’a pas pu être identifié. Le 25 décembre 1943, au Rexy, rue de Béthune, pendant la séance de 15 heures, lors de la projection d’un film où Déat était représenté, prononçant un discours, les spectateurs ont « osé » se mettre à rire à haute voix. Cela a valu un rapport du commissaire de police.

 

            Toujours au Familia de Lille, le 6 février 1944, vers 20 heures 40, une bonne partie des douze cents spectateurs qui assistaient à une représentation cinématographique, siffla à plusieurs reprises et assez fortement lors de la projection des actualités de la semaine se rapportant au discours que M. Henriot, ministre, secrétaire d’état à la propagande prononça le 29 janvier 1944 à Lille. Bien que la lumière fut rétablie pendant quelques secondes, la projection ne fut pas interrompue. Les mêmes incidents plus atténués se sont produits pour la même projection dans les cinémas à l’Eden vers 17 heures, aux Actualités vers 20 heures 35 et à l’Omnia vers 13 heures 30.

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31 octobre 2010 7 31 /10 /octobre /2010 15:16

Les réouvertures se feront à partir de 1919, comme ce fut le cas pour le Parisiana, rue Gambetta. . Le Casino, rouvre le 23 février 1919. Il cherche à être « le plus beau et le plus important cinéma music-hall de la région », en proposant cinéma, concert, numéros fantaisistes, etc.… C’est le faste et le plaisir qui dominent dans ce palace. De nombreuses autres salles ouvrent pendant cette période comme par exemple le Cinéma des Familles, 18, rue des bois blancs en 1925, le Fives-Palace, 11, place Caulier en 1927 pour ne citer qu’eux… Au début des années vingt, il y avait douze cinémas à Lille qui vendaient annuellement  1,9 millions de billets. Un peu moins de vingt ans plus tard en 1939, la ville possède 27 salles de cinéma, allant du palace luxueux à la petite salle de quartier… C’est le Familia, 27, rue de Béthune qui se distingue par son luxe de toutes les salles. Inauguré en 1926 et dirigé par Edouard Derop, c’est un véritable palais qui peut accueillir 1200 spectateurs par séance. L’immeuble de six étages de haut est abondamment décoré avec des frises, des statuettes, des dorures, desLC500-Lille.jpg lustres omniprésents… Le faste, le luxe, les tentures sont partout. C’est la salle chic par excellence. On y entre par un vaste porche au-dessus duquel est inscrit le nom du cinéma. Outre la grande salle, l’établissement propose, pour l’entracte, un fumoir pour les hommes, une belle et grande buvette, un magasin de confiseries, une chocolaterie… A partir de 1925, les grosses sociétés s’emparent des salles les plus lucratives comme Pathé qui prend possession du Caméo,  la Paramount qui va faire main basse sur le Familia tandis que la Métro s’accapare le Rexy. Seul le Capitole reste indépendant.

 

                        Le syndicat des loueurs de films cinématographiques de la région du Nord organisait régulièrement des projections pour les exploitants à Lille. Ainsi, ils étaient invité au Printania 5, rue d’Amiens à la vision du film « le 6e commandement », une adaptation du récit biblique de Sodome et Gomorrhe présenté par l’union Eclair.

 

            Le 30 novembre 1921 Monsieur Derop s'est vu retirer l’autorisation d’exploiter l’Eden rue de Béthune et le Printania, rue d’Amiens pour ne pas avoir appliqué les consignes de sécurité de l’arrêté municipal du 21 octobre 1920.

 

            Le 6 et 7 novembre 1926 a eu lieu le congrès régional du cinéma éducateur à Lille. Gaumont y tenait un stand. Le samedi 6 après midi les cinémas Caméo, Printania, Familia, Omnia offraient gracieusement des places aux congressistes sur présentation de leur carte.

 

Certains quartiers se distinguaient particulièrement pour leurs activités cinématographiques.  Wazemmes et Fives comptaient respectivement six et quatre écrans. Le Mondial, rue Racine et le Palace, rue d’Iéna pouvaient accueillir ensemble 1850 spectateurs. Le premier a été créé par Gustave Duthoit, un cabaretier qui remplissait régulièrement l’arrière salle de son estaminet, rue des postes. Il fit construire cette salle magnifique en 1905. Ces cinémas appartenant à Monsieur Deconinck ont tenu le coup jusqu’au début des années soixante dix. Il y a eu aussi l’Omnia qui a ouvert en 1909, un an après celui de la rue Esquermoise. Le Splendid et le Vogue se côtoyaient dans la rue Mourmant. Le Marivaux était situé rue de Wazemmes.

 

            Le 27 novembre 1929 eut lieu la première projection d’un film parlant (film de la Paramount), au Familia. Le public découvrit la voix de Maurice Chevalier. Outre les films, c’est aussi les premières actualités parlantes issues des vues Paramount.

 

            En avril 1930, la fédération des unions de familles nombreuses et les associations familiales du Nord de la France et les fédrations des unions des chefs de familles nombreuses protestaient contre le film « Séduction (Erotikon) ». Le propriétaire du film s’étant conformé aux observations de la commission de contrôle avant de projeter son oeuvre, les protestations restèrent sans suites. Pour le président de la commission, il semblait que les protestataires se soient éveillés avec quelques exagérations et qu’ils aient donné imaginairement une interprétation à des scènes dont ils conviennent qu’on ne voit pas la réalisation. La croix du Nord du 11 avril 1930 se fit écho de cette protestation et transcrit la lettre des défenseurs de la famille qui disait entre autres : ...séduction dans lequel sont tournés en ridicule les pères et mères de famille et même l’enfant, en même temps que la morale la plus élémentaire est bafouée de façon non pas seulement indécente, mais bien catégoriquement dégradante.

 

En mars 1936, le Capitole est contraint de retirer « La Garçonne » par les étudiants de la catho.

 

            Le journal « l’Enchaîné » avait critiqué les conditions de sécurité du Cinéma Mondial, rue Racine. Dans un article du 16 septembre 1938, il disait : La direction est vraiment avide de bénéfices, non contente de tenir une buvette où il est presque impossible de se faire servir, elle tient aussi une confiserie. Les spectateurs ne peuvent sortir (ce qui pourrait aussi faire vivre les commerçants avoisinants). Mais, fait plus grave, s’il y arrivait un incendie, d’où une panique possible, il y aurait des victimes en masse, car dans les allées qui conduisent aux sorties, des strapontins y sont disposés, et l’on y ajoute même des chaises. Il nous semble, pour la sécurité et le confort des spectateurs, qu’il faudrait un écartement dans les allées d’au moins 75 cm à 1 m. Que fait le service de sécurité des salles de spectacles ? Suite à cet article, le commissaire Laroche fit une visite inopinée dans le cinéma de la société Deconninck, Scène et Baert dirigé par Monsieur Baert depuis quatre ans et demi. Il constata une salle parfaitement conforme aux équipements modernes. Selon lui, le fait que les spectateurs qui sortent devant pour rentrer s’acquitter à nouveau du prix de la place lésait les intérêts des cafés voisins. C’est ce qui aurait provoqué cet article de l’hebdomadaire. De plus Monsieur Baert avait refusé il y a quelques mois que se déroule dans son établissement un meeting communiste, ce qui a probablement augmenté contre lui les ressentiments dans ce milieu.

 

Le 18 novembre 1938 des personnes qui se prétendaient un groupe de pères et mères de familles, mais dont le courage n’était pas l’une des valeurs fondamentales envoyèrent une lette anonyme au préfet. Dans ce courrier, ils alertaient celui-ci sur les conditions de sécurité dans les salles de cinéma. L’Omnia y était mis en cause pour l’étroitesse de ses accès et dégagements ainsi que le Réxy dont l’entrée était fermée par un rideau inflammable. La réponse ne se fit pas attendre et quelques jours plus tard l’Omnia reçu la visite de la Commission de surveillance des salles de Spectacles. La commission demandait à son directeur d’élargir de 20 centimètres de chaque côté la porte d’entrée, de placer les éclairages de secours sous des grillages et d’afficher l’arrêté préfectoral du 7 janvier 1936. On lui demandait aussi de faire construire un urinoir supplémentaire au rez-de-chaussée à proximité de la porte de secours. Etait-ce pour palier au manque de lances d’incendie ou pour améliorer le confort des braves pères de famille ?

 

            Le travail fourni par ces commissions et leurs recommandations ont, malgré les tracas imposés aux exploitants, permit une modernisation des salles et surtout une mise en conformité des normes de sécurité pour que le plaisir de se rendre au cinéma ne soit pas une invitation à mourir. Les salles de cinéma deviennent ainsi plus sûres.LC476-Lille.jpg

 

            1939, il y avait 27 cinémas à Lille pour 18700 fauteuils. L’Omnia était considéré comme le cinéma à soldats. L’Eden salle voisine du Familia était surnommé le baisodrome. La conception de la salle facilitait la tâche aux amoureux. Il était déconseillé aux « femmes honnêtes » d’y aller seules. le 30 mars de cette même année, un début d’incendie maîtrisé après avoir ravagé la cabine, eut lieu dans la cabine de projection au cinéma La Mauricienne 24, rue Véronèse. La foule, composée essentiellement d’enfants, fut tout de même évacuée sans panique et sans blessé. La rue de Béthune était la rue des cinémas par excellence : 6 salles sur plusieurs centaines de mètres : le Capitole au n° 21, le Familia au n° 27, l’Eden au n° 27 bis, le Rexy au 40 – 42 ouvert en 1933, le Caméo au 44 – 46 inauguré en 1926, le Cinéchic au 48 bis. Celle-ci, est la première à avoir instauré le cinéma permanent à partir du 27 juillet 1939. Les spectateurs pouvaient entrer à n’importe quel moment et rester le temps qu’ils voulaient. C’est une véritable rue dédiée aux divertissements et plus particulièrement au cinéma. En mars 1932, le Familia innove encore avec le cinéma permanent de 10 h 30 à 19 h 30 avant la grande séance de 20 h 30. D’autres salles changent également de nom pendant cette période d’entre-deux guerres. Ainsi par exemple, l’Ozanam devient le Pax en 1936. Les salles se concentrent de plus en plus sur leur seule activité cinématographique. Seuls deux établissements continuent en 1939 à proposer des attractions en complément à leurs séances de cinéma : il s’agit du Rexy et du Casino, 21 rue de la Bourse. Le Rexy  accueille aussi les grandes vedettes de l’époque : Tino Rossi en novembre 1936, Ray Ventura en janvier 1937… Rue des Ponts de Comines  s’ouvre un cinéma original dans la région. Il s’agit d’une salle entièrement dédiée aux vues d’actualité : le Lille-Act inauguré en septembre 1935. Un an et demi plus tard, en janvier 1937, s’ouvre une seconde salle destinée à ne proposer que des actualités cinématographiques alors en pleine vogue : le Cinéac, 12-14 rue Faidherbe, à l’emplacement de l’actuel magasin Tati. Ces deux salles qui proposent aux spectateurs de faire « le tour du monde en 60 minutes » appartiennent à un grand réseau national dirigé par Réginald Ford et sont dirigés par M. Lothéal, domicilié à Paris. Le réseau de ces salles d’actualités est associé avec le Grand Echo, grand quotidien du Nord pour disposer notamment des idées de reportage et des localiers.

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31 octobre 2010 7 31 /10 /octobre /2010 15:09

Les premiers cinémas

 

            Parmi les premières salles, il y a eu le cinéma Leleu qui se trouvait rue St Sauveur. En mars 1911, un incendie s’est déclaré dans ce cinéma. Heureusement, il n’a pas pris dans la salle de spectacle, qui a été complètement épargnée. Il a consumé un bâtiment à usage d’habitation. Le feu s’est déclaré dans un local qui servait de dépôt. La cause est restée inconnue. Le Daily Mail de Londres en présenta un bref compte rendu. Cinq personnes y auraient perdu la vie. L’architecte en chef de Londres, chargé de réunir toutes informations utiles au sujet des incendies de salles de spectacles a demandé par courrier du 3 avril 1911 au préfet du NordLille-Printania-prog-2.jpg de lui fournir divers renseignements sur l’incendie en question. Les différents quartiers de Lille vont connaître des ouvertures de salles : le Cinéma Pathé de Wazemmes au n°23, rue de Wazemmes qui est une succursale de l’Omnia de la rue Esquermoise. Nous pouvons supposer également que l'Omnia, situé rue Esquermoise, fut créé au début du XXème siècle, dans la période où Pathé étendait son réseau. Signalons également le Mondial – Cinéma au n° 90 rue Racine, les Variétés Fivoises au n° 2 rue de Bouvines, le Lille-Cinéma au n° 11-13 du Parvis Saint-Maurice qui ouvre en 1909 également, le Cinéma Théâtre Printania en 1911. Celui-ci était situé au 5 de la rue d'Amiens.

 

La première guerre mondiale et la reprise d'après guerre

 Lille-Omnia-pub-juil-1912.jpg

            L'Alhambra fut construit dans le courant des années 1913 et 1914 sur le boulevard Faidherbe, du côté de l'opéra. L'arrière donnait sur la rue de Paris. Quelques jours avant son inauguration, au début du mois d'octobre 1914, les allemands bombardèrent le quartier de la gare. Il fut détruit avant même d'avoir pu proposer une projection. Ce cinéma avait été construit à l'initiative d'une société anonyme par Demond Benoit-Lévy, Désiré Paul Hénault, un restaurateur, la société Omnia et Edouard Derop qui exploitait l'hippodrome.

 

            L'invasion allemande sonna donc le glas définitivement pour l'Alhambra, mais aussi provisoirement pour les autres cinémas à l'exception de ceux qui étaient réquisitionnés par l'armée d'occupation.

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31 octobre 2010 7 31 /10 /octobre /2010 15:03

Les débuts

 

            La première projection à Lille était présentée par le cinéma Lumière le 19 avril 1896, au 17 rue Esquermoise.

 

            Par la suite de nombreux forains venaient s'installer à l'Esplanade.LC494 Forain Dès 1896, la foire de Lille de septembre accueille le cinéma avec le Kinetographe dirigé par l’opérateur Hévin. Il y eut aussi la famille Dulaar. Ils furent parmi les premiers exploitants poursuivis en justice. Les forains avaient l'habitude de filmer des vues de la ville où ils s'installaient. Un spectateur mécontent de se voir sur l'écran déposa une plainte contre eux. Il y avait aussi les Sipprenay, Camors, Collinet, Croissant, Klatt, Pessé, Pechadre, Marrécaux, Debruyne, etc.

 

D'autres essayaient de se sédentariser comme Le Royal Vio qui s’installa sur un terrain vague de l’hippodrome. L’énergie pour produire l’électricité était LC782 Forain Maurice Dulaarfournie par une locomobile à vapeur. Celle-ci valut des désagréments au forain. Bien qu’ayant équipé sa machine d’une cheminée de cinq mètres, la fumée envahissait les habitations voisines et le moteur assourdissait les occupants. M. Lépée Guichard, le propriétaire du 26, rue de Valmy s’est plaint à la préfecture. Cette réclamation a amené le Maire de Lille à exiger que l’exploitant rehausse sa cheminée et cesse son activité dès 22 heures. Par la suite le Royal Vio comme d’autres, installera sa tournée dans les locaux mêmes de l’hippodrome de la rue Nicolas Leblanc.

 

            Très rapidement, des projections étaient programmées dans les cafés pour attirer les clients. On appelait ça, les cinémas à la pinte. Même des magasin s'y sont mis. Ce fut le cas à Lille pour Les galeries lilloises.

 

            Les cirques furent également investis. Les gradins permettaient une bonne vision des projections. Ce fut le cas de l'Hippodrome.

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14 juin 2010 1 14 /06 /juin /2010 17:44

BAILLEUL

 

            En 1910 eut lieu à Bailleul la première séance inaugurale à l’hôtel du « Canon d’or ». Les prix variaient entre 1 francs et 0,25 francs. On y présentait une série de dix petits films parmi lesquels « Zigomar a mangé une éponge », « La famille Panouillard à Lunapark », « Les singeries du Dr Ravioli » et « Angoisse de Thelo ».

 

            En 1925, apparaissent régulièrement dans la presse locale, les programmes de deux cinémas. Il y avait le « Palace » rue des Moulins et le cinéma « Nelle Vanuxem » dans la rue d’Ypres. Il y avait également le « Renaissance » rue de Cassel qui faisait également café-restaurant. L’exploitant y organisait aussi régulièrement des bals. La direction était alors assurée par Levy-Cateau. Il y a donc eu une période au cours de laquelle Bailleul avait trois cinémas. Le « Renaissance était mis en vente en juillet 1928. L’ensemble de la propriété comportait 542 m². La salle était équipée de fauteuils pliants à rangées mobiles et le hall d’un comptoir. C’est probablement Monsieur F Herreng qui en fut l’acquéreur et l’exploita au début des années trente. La salle était aménagée dans un baraquement. Les exploitants de ce cinéma ont évacué en 1940 et la salle est restée fermée plusieurs mois.  Ils ne sont pas revenus et ont préféré vendre leur affaire. C’est Monsieur Ryckebusch qui l’a repris au début de l’occupation. « La Renaissance LC242-Bailleul.jpg» a tourné pendant tout le reste de la guerre. A l’issue du conflit, le propriétaire fit construire en bâtiment en dur autour du baraquement, tout en continuant l’exploitation. C’est ainsi que fut créé le « Casino »au 10 de la rue de Cassel. Cette salle comportait plus de mille places. On y faisait souvent des bals. Monsieur et Madame Ryckebusch y aurait même reçu Johnny Halliday. A l’époque, les distributeurs lillois étaient lassés par certains exploitants qui « oubliaient » de déclarer la totalité des recettes. Ils soupçonnaient l’exploitant du Casino d’en faire partie. D’autre part selon eux, celui-ci abusait de sa position de monopole sur Bailleul, et ils auraient aimé qu’il y ait un concurrent. Pour une ville comme Bailleul, un seul cinéma, ça n’était pas beaucoup. A l’époque il y en avait deux à Merville, qui était une commune plus petite. Ainsi, lorsqu’ils apprirent que le jeune Pierre Delabaere qui avait déjà des membres de sa famille dans l’exploitation était intéressé pour s’y lancer à son tour, ils l’encouragèrent à s’installer à Bailleul. Pierre Delabaere avait deux frères qui exploitaient chacun une salle dans la région de Maubeuge et un oncle qui était installé à Avesne sur Helpe.

 

            La première projection eut lieu au Flandria la semaine de la Toussaint de l’année 1948 avec le film « La pocharde ». La projection se faisait en 16mm. Pierre Delabaere s’était installé dans une salle qui servait aux combats de coqs et comme marché couvert pour les fermiers le mardi. Après une période d’essai d’un an, il passa au 35 mm et apporta quelques transformations de la salle. Notamment, il rehaussa le plafond qui était trop bas pour le nouveau format de projection. Le premier film programmé en 35 était « Pour qui sonne le glas ». Le fond de commerceLC243-Bailleul.jpg appartenait à Charles, Jacques, Jean et Pierre Delabaere. En juin 1952, les trois premiers ont signé un bail à l’encontre du quatrième, lui accordant la gérance libre pour une durée d’un an reconductible chaque année. Les locaux appartenaient à Madame veuve Croquette-Huyghe qui en resta propriétaire jusqu’au rachat par la ville de Bailleul en 1991. A l’époque, Monsieur Delabaere payait un loyer de deux milles francs par an à Madame Croquette pour les bâtiments et soixante milles aux propriétaires du fond de commerce. Nous avons noté un petit amusant dans le bail en question. Il est précisé dans les conditions à l’alinéa 2 que le preneur devrai faire en sorte de n’avoir que de bons rapports avec la clientèle. Lorsqu’on connait Pierre Delabaere, c’était vraiment une précision superflue.

 

            Monsieur Delabaere devait cohabiter avec le café voisin et notamment partager les mêmes toilettes. Cela l’obligeait de distribuer des tickets de sortie à l’entr’acte aux spectateurs qui allaient aux toilettes pour éviter les fraudes.

 

            Le 9 juin 1950 Monsieur Ryckenbusch était condamné par le CNC à payer une amende qu’il refusa de régler. Après plusieurs appels sans effet, le directeur général du Centre National de la Cinématographie décida le 6 décembre de la fermeture du « Renaissance » » pour la période du 15 décembre 1950 au 15 janvier 1951. Devant cette menace imminente l’exploitant finit par céder et paya l’amende. Le 26 décembre 1950 le préfet écrivit au commissaire pour l’informer qu’il avait été avisé par le CNC que la décision de fermeture était du fait que le responsable de l’établissement avait payé l’amende dont il était redevable.

 

            Deux ans plus tard, Monsieur Ryckenbusch se montra plus malin. Pour ne pas avoir versé une nouvelle amende qui lui était infligée et suite aux menaces de l’organisme officiel de fermer sa salle, Monsieur Ryckenbusch avait en fait déposé au conseil d’état le 24 novembre 1951 un recours enregistré sous le n°17.722. . Le CNC malgré les deux notifications qu’il envoya  en 1952 à l’exploitant ne pouvait sanctionner celui-ci aussi longtemps que le conseil d’état n’avait pas statué sur le litige.

 

            Le « Casino » a fermé vers la fin des années soixante. Il est devenu un magasin de soldes en textiles. En 1990, Pierre Delabaere éprouve des difficultés à passer la crise de l’exploitation qui sévit dans cette période. Les entrées ont baissé. Régulièrement, la salle ferme au prétexte de travaux, mais personne n’est dupe. Le « Flandria » est malade. Il prend des contacts avec Jean Delobel, le maire de la commune qui est un passionné de cinéma et un ancien client assidu des cinés Clubs. Un accord est passé entre l’exploitant et la ville. Monsieur Delabaere cesse son activité le 31 décembre 1990. Le « Flandria » est fermé pour une courte période, le temps que certaines formalités soient accomplies. La ville rachète les locaux à Madame Croquette et confie la gestion du cinéma à une association « l’OMJCEP ». Daniel Granval, bénévole depuis plus de vingt ans au Familia de Merville propose gratuitement ses services. Il est nommé coordinateur et Vice président de l’association, responsable de la partie cinéma. Un salarié à temps plein est embauché et une équipe de bénévoles est constituée. L’OMJCEP crée une commission cinéma pour faire participer les habitants à la vie de leur salle. C’est avec une nouvelle équipe que redémarre le « Flandria » le 1er février 1991. Certaines personnes pessimistes prévoyaient un gouffre financier en faisant référence à certaines situations catastrophique dans la région. Le maire de Bailleul, lui y croyait. Sa croyance était renforcée par le point d’Henri Deschamps, président de la chambre syndicale et Monsieur Tavernier, le délégué du CNC. Daniel Granval pensait qu’avec une bonne gestion, la subvention d’équilibre de 75000.00 francs accordée par la municipalité était largement suffisante pour faire fonctionner un cinéma. Cela se confirmait, et au terme du premier exercice, elle fut même réduire à 70000.00 pour montrer symboliquement qu’une salle municipale n’était pas un gouffre financier. Depuis, l’expérience de Bailleul s’est reproduite dans de nombreuses communes de la région, Merville, Aires sur la Lys, Desvres, Marcq en Baroeul, etc.

 LC15-Bailleul-bis.jpg

            Le « Flandria » avait cependant besoin d’un lifting. Un dossier bien monté permettant une participation de l’état grâce à l’aide sélective, du département et de la région a permis d’en financer une bonne partie. Il n’y a plus d’entrée directe sur la rue. Les spectateurs accèdent au cinéma par un hall, petit, mais convivial et sympathique. L’entrée se fait par le fond de la salle et les fauteuils sont centrés. Une pente permet une meilleure visibilité. La décoration est sobre. La cabine a été entièrement rénovée, et grâce au plan son géré par le Centre National de la Cinématographie, le « Flandria » est équipé du dolby digital. Ces travaux, un accueil convivial et une programmation qui offre des films rapidement ont permis au cinéma de Bailleul de voir arriver le « Kinépolis » avec sérénité. Depuis l’ouverture du géant de Lomme, les entrées ont légèrement augmenté. La salle tourne environ à vingt mille entrées par an pour une estimation de départ de treize milles. Cela a permis de réaliser des excédents qui ont financé certains aménagements, démontrant ainsi une fois de plus que le pessimisme n’était pas de rigueur.

 

            Certains appellent Bailleul « Le Hollywood des Flandres ». C’est vrai qu’on y tourne régulièrement des films. Les plus médiatisés sont les œuvres de Bruno Dumont « La vie de Jésus » et « L’humanité ». Le premier attirait une foule considérable au Flandria. Les Bailleulois étaient curieux de voir comment était représentée leur ville dans un long métrage. La salle était comble lors d’un débat avec le réalisateur. La discussion dura plus d’une heure et demie. Le second attira moins de monde, mais le cinéma de Bailleul enregistra quand même l’un des meilleurs scores du film. Il faut dire que malgré les récompenses Cannoises, et notamment les prix d’interprétation pour Séverine Caneele et Emmanuel Schotté, « L’humanité » n’a pas connu un succès public. Il a réalisé moins d’entrée en France que « La vie de Jésus ».

 

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